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Page:Loti - Le désert, 1896.djvu/101

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Cheminé, cheminé des heures dans les plaines, sous le soleil brûlant et sous le vent glacé, écrasant toujours les pâles plantes embaumées.

Le désert, monotone comme la mer, est changeant comme elle. Avant-hier, c’étaient les grands géants ; hier, les sables plats, et aujourd’hui nous entrons dans la contrée des pierres meulières qui créent autour de nous des surprises nouvelles, des aspects encore jamais vus. Devant nous vient de s’ouvrir un lugubre dédale de vallées faites de ces pierres-là, jaunâtres ou blanches ; leurs parois, stratifiées horizontalement, donnent l’illusion de murailles aux assises régulières, bâties de main d’homme. On croit circuler au milieu de cités détruites, passer dans des rues, dans des rues de géants, entre des ruines de palais et de citadelles. Les constructions, par couches superposées, sont toujours plus hautes, toujours plus surhumaines, affectent des formes de temples, de pyramides, de colonnades, ou de grandes tours solitaires. Et la mort est là partout, la mort souveraine, avec son effroi et son silence…

De temps à autre, nos chameliers chantent, — sortes de cris tristes qui se traînent en modulations