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Page:Loti - Le désert, 1896.djvu/107

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Sinaï, mais plus rouges encore. Au fond et au milieu, s’élève, comme un temple, comme une pagode hindoue, une étrange fantaisie géologique, une gigantesque pyramide régulière, flanquée presque symétriquement de clochetons et de tourelles. La base en est d’une couleur si intense qu’on la dirait frottée de sang, tandis que le sommet, d’un granit spécial sans doute, pâlit et tourne au jaune de soufre.

Sur la rougeur sombre de tous ces grands rochers, se détachent des bouquets de palmes d’un vert trop intense et presque bleu, les uns en touffes épaisses sur le sol, les autres s’élançant sur de longues tiges penchées. Et des tamarins, et des roseaux, et de l’eau courante qui bruit sur les pierres ! Nos chameaux altérés crient vers l’eau fraîche, courent y tremper avidement leurs têtes chaudes. Et nous, après ces jours de visions funèbres, enivrés tout à coup par la splendeur de cet Éden caché, nous campons joyeusement dans ce triple cirque de rochers sanglants parmi les belles verdures bleues.

C’est ici le lieu du rendez-vous avec le messager que nous avons envoyé à Mohammed-Jahl, chef du désert de Pétra. Il devrait nous y avoir devancés. Nous l’attendrons un jour, deux jours, et puis, s’il ne revient pas, il faudra nous décider à prendre la