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Page:Loti - Le désert, 1896.djvu/106

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Vers le milieu du jour, le désert devient noirâtre, à perte de vue et partout ; noirâtres, ses montagnes ; noirâtres, ses sables jonchés de cailloux noirs ; les plus pâles plantes ont même disparu ; c’est la désolation absolue, le grand triomphe incontesté de la mort. Et là-dessus, tombe un si lourd, un si morne soleil, qui ne paraît fait que pour tuer en desséchant !… Nous n’avions encore rien vu d’aussi sinistre : on étouffe dans du calciné et du sombre, où semble s’infiltrer, pour s’anéantir, toute la lumière d’en haut ; on est là comme dans les mondes finis, dépeuplés par le feu, qu’aucune rosée ne fécondera plus… Et alors, la vague inquiétude de la précédente journée devient presque de l’angoisse et de l’horreur.



Mais sur le soir, nous arrivons à la « Vallée de la Fontaine » (l’Oued-el-Aïn), où nous devons camper. C’est la première oasis depuis que nous marchons dans le désert, et elle nous paraît un lieu enchanté, quand elle s’ouvre tout à coup, comme un décor qui change, entre deux hauts portants de montagne. Elle est enfermée, murée splendidement par les granits, qui ont reparu là, semblables à ceux du