Aller au contenu

Page:Loti - Le désert, 1896.djvu/129

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les palmes. Nous avions cependant recommandé à nos Bédouins d’allonger le plus possible l’étape d’aujourd’hui, et il est à peine trois heures, beaucoup trop tôt pour camper… Voici du reste le cheik de notre caravane qui revient au-devant de nous avec des gestes déçus : c’est le caïmacam (le gouverneur) qui l’a arrêté au passage et obligé de camper là, pour nous garder tous jusqu’à demain matin !

— Où est-il, ce caïmacam ?

— Là-bas, dans la citadelle !

Les soldats de garde, qui sont des Arabes parfaitement beaux dans de longs voiles, me répondent qu’il repose ; il dort, parce que nous sommes en ramadan depuis hier et que les premières journées de jeûne l’ont fatigué beaucoup…

On le réveille tout de même, tant mon indignation est peu contenue. Et il arrive. C’est un vieux petit être grotesque et laid, dans un semblant de costume européen ; parmi ses beaux soldats drapés, il paraît un singe en jaquette. Il est un de ces fonctionnaires, mal frottés de vernis moderne, comme on en rencontre tant, hélas ! dans le Levant, et qui feraient méconnaître, prendre en grippe les nobles races orientales. Déjà désagréables dans les pays fréquentés, ces petits personnages deviennent, au désert, des roitelets qui, au lieu de protéger les