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Page:Loti - Le désert, 1896.djvu/136

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poitrine s’élargisse pour mieux s’emplir. On est comme retrempé de vie plus jeune, de joie physique d’exister…

Cette mer, si calme et si doucement réfléchissante, le long de laquelle nous marchons sur un sable fin semé de corail rouge, est sans un port et sans une voile ; dans toute son étendue, mer déserte environnée de déserts. Mais c’est la mer quand même ; on a beau la savoir vide à l’infini, on s’en rapproche d’instinct comme d’une source vitale ; auprès d’elle, ce n’est plus la désolation sinistre et morte du désert terrestre…



À mesure que le soleil monte, l’Arabie d’en face se précise, sort de ses voiles du matin ; ses nuances s’avivent et s’échauffent — pour en arriver progressivement au grand incendie splendide qui sera la fantasmagorie du soir.

Maintenant, nous marchons sur des coquilles, des coquilles comme jamais nous n’en avions vu. Pendant des kilomètres, ce sont de grands bénitiers d’église, rangés par zones ou entassés au gré du flot rouleur ; ensuite, d’énormes strombes leur succèdent, des strombes qui ressemblent à de larges mains ouvertes, d’un rose de porcelaine ; puis viennent