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Page:Loti - Le désert, 1896.djvu/138

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Vers midi, le resplendissement est à son comble. L’ensemble des choses visibles ne ressemble plus à rien de connu. On croirait assister à quelque grand spectacle silencieux des premiers âges géologiques, — sur la Terre peut-être ou bien ailleurs… L’ensemble des choses est rose, mais il est comme barré en son milieu par une longue bande infinie, presque noire à force d’être intensément bleue, et qu’il faudrait peindre avec du bleu de Prusse pur légèrement zébré de vert émeraude. Cette bande, c’est la mer, l’invraisemblable mer d’Akabah ; elle coupe le désert en deux, nettement, crûment ; elle en fait deux parts, deux zones d’une couleur d’hortensia, d’un rose exquis de nuage de soir, où, par opposition avec ces eaux aux couleurs trop violentes et aux contours trop durs, tout semble vaporeux, indécis à force de miroiter et d’éblouir, où tout étincelle de nacre, de granit et de mica, où tout tremble de chaleur et de mirage…

L’une de ces zones, c’est la côte d’en face, la Grande Arabie Déserte, là-bas, tout en granit carminé, prodigieuse muraille de mille mètres de haut qui se tient debout dans le ciel et qui fuit au fond des lointains légers.