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Page:Loti - Le désert, 1896.djvu/152

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tage, et qu’on dirait inconsistantes aussi, comme l’étendue dont elles partagent la vague couleur…

Aux premiers plans de la vue, sur cette petite place d’Akabah où nos tentes sont dressées, gisent des amas de formes noirâtres, distinctes malgré la nuit, — tout ce que nous avons amené de bêtes, de gens et de choses dans cette lointaine oasis : chameaux endormis, chacun la tête plongée jusqu’aux yeux dans une musette qui lui fait comme un long nez de tapir ; Bédouins accroupis ou étendus qui, sans parler, fument et rêvent ; harnais, couvertures, ballots et sacs de caravane…

Et, derrière moi, le rideau noir des palmiers aux grands bouquets de plumes, masquant la plage déserte où la mer chante faiblement dans un infini de silence…



Elle m’attire, cette plage et je vais chercher Léo dans sa tente pour qu’il vienne avec moi s’y promener.

D’abord il faut traverser les ténèbres du bois de palmes, par les sentiers sablés, entre les petits murs des enclos. Recueillis comme au seuil d’un temple, nous pénétrons sous la futaie obscure, très arabes et très blancs l’un et l’autre, dans l’ampleur légère