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Page:Loti - Le désert, 1896.djvu/151

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Notre camp monté, les curiosités satisfaites, les groupes dispersés, nous nous retrouvons seuls, au dernier crépuscule, dans un calme d’absolu abandon.

Un peu anxieux de ce que va être cet entretien de demain matin, je regarde, assis devant ma tente, finir le merveilleux soir et tomber la nuit…

Presque subitement, sur tous les points du ciel à la fois, les étoiles apparaissent. Et le croissant, pourtant bien svelte encore, déjà nous éclaire. Au-delà des maisonnettes tristes et sauvages, de terre et de boue, tout le désert gris rose, toute la superposition des dunes de sable et des montagnes de granit, monte, monte invraisemblablement haut sur ce ciel scintillant et pur, semble diaphane, semble une grande vision de néant, très douce, incompréhensible presque, et sans perspective. Sur ce rien immense, qui paraît avoir une inconsistance de nuage, cheminent lentement et sans bruit quelques fantômes, drapés de blanc encore éclatant ou de noir encore intense, taches violentes sur l’indécise douceur de tout : pâtres de chameaux attardés qui redescendent vers l’oasis, ramenant dans les clôtures de grandes bêtes que la lune agrandit davan-