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Page:Loti - Le désert, 1896.djvu/161

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parmi les étoiles. L’échappée du large ne se voit plus, et la baie a repris son air de lac fermé, dans les grisailles voilées et les transparences qui trompent les yeux.

Deux soldats turcs sont là, dans l’ombre du rideau de palmiers, assis ensemble sur une pierre.

Et nous causons. — À Akabah, ils se sentent aussi exilés que moi-même. Ils me proposent de nous promener tous trois sur le sable, au vague clair de lune, le long des palmiers superbes et noirs.

Ils sont de Smyrne et ils sont frères ; au pays, ils ont laissé deux autres frères plus jeunes. Leur exil, commencé depuis dix-neuf mois, doit durer deux années ; une fois l’an, un bâtiment turc vient ici relever la garnison et, à son prochain voyage, dans cinq mois, ce bâtiment les rapatriera…

Une odeur de cadavre, tout à coup… Ah ! nous approchions du chameau mort, le seul habitant de cette plage ; voici qu’on distingue confusément sa pose et son geste de pattes, à la lueur de cette lune si nouvelle. — Et nous rebroussons chemin. « Il n’y a pas sept jours qu’il est tombé là, me disent-ils ; mais déjà les chiens, les chacals l’ont presque tout mangé. »