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Page:Loti - Le désert, 1896.djvu/164

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plan, plan ! — et sa lenteur même cause l’indéfinissable frisson des rythmes inconnus…

Mohammed-Jahl, sans doute, qui arrive ! Avec une telle musique, ce ne peut être que lui. Et je sors de ma tente, demandant aux veilleurs :

— Qu’est-ce que c’est ?

— Rien, me répondent-ils ; ce n’est qu’une batterie de ramadan, — pour le recommencement des prières, comme tout à l’heure ces trompettes…

Plan, plan, plan ! — plan, plan, plan ! — avec ce son de bois mort, il tourne deux fois autour de nos tentes, et puis s’en va continuer sa ronde dans les sentiers noirs de l’oasis, où bientôt son bruit achève de s’éteindre…

Une heure encore passe. Et alors j’entends nettement des chameaux qui arrivent, des chameaux que l’on fait s’agenouiller en leur criant : « Cs ! Cs ! » ; puis des gens qui descendent, qui s’approchent et avec lesquels nos veilleurs échangent de cérémonieux salamalecs, — tandis qu’une voix prononce avec effarement, tout bas, le nom de Mohammed-Jahl. — Cette fois, c’est bien lui, et je m’attends à voir s’ouvrir la porte de ma tente… Mais, soudain, vaincu par le sommeil, je perds conscience de toutes les choses humaines…