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Page:Loti - Le désert, 1896.djvu/166

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suivi de deux jeunes hommes, son fils et son neveu ; il accepte un fauteuil et s’assied avec une grâce de seigneur, — tandis que j’envoie dire à mes deux compagnons de route que j’ai chez moi le croque-mitaine du désert.

Une figure fine et superbe de vieux brigand. Tout gris de barbe et de sourcils ; un profil de camée ; des yeux étincelants qui, d’une seconde à l’autre, peuvent être impérieux et cruels ou bien caressants et doux. Il est habillé d’une robe en soie de Brousse rouge semée de flammèches jaunes, dont les manches pendantes touchent presque la terre ; sur ce premier vêtement, une grossière chemise bédouine en toile couleur de sable et de poussière et, par-dessus le tout, un sayon en peau d’agneau. Sur la tête, un voile (couffie) en épaisse soie de la Mecque aux plis retombants, que retient autour du front une couronne en cordes d’or à houppettes noires. Tous petits pieds, nus sur des semelles de cuir ; toutes petites mains d’enfant, jouant avec le traditionnel bâton en forme de feuille de lotus qui sert à conduire le chameau.

Très câlin, infiniment distingué, avec de temps à autre un éclair de commandement ou de fureur dans ces yeux fuyants, instables, qui se dérobent quand on les regarde, mais qui vous fixent et