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Page:Loti - Le désert, 1896.djvu/173

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Nous marchons jusqu’aux limites de l’oasis, où finissent les grands dattiers superbes pour faire place aux maigres touffes de palmes, tout de suite rabougries, clairsemées et perdues dans les sables du désert.

Et, notre bain pris, tandis que nous sommes là, étendus, nous séchant à l’ombre de ces dernières verdures, des trottinements légers, derrière nous, tout à coup nous font dresser l’oreille, et une centaine de moutons nous envahissent… Les bergers apparaissent aussitôt ; ils sont deux, deux soldats turcs en uniforme, armés jusqu’aux dents, le fusil à répétition sur l’épaule, la ceinture chargée de revolvers et de cartouches, — figures déjà connues qui me regardent avec des sourires… Tiens ! mes amis d’hier au soir, les exilés de Smyrne, Hassan et Mustapha, les deux frères. C’est dans leurs attributions, à ce qu’il paraît, de mener paître le troupeau de la citadelle.

— Ils sont donc bien méchants, vos moutons, que vous êtes si armés pour les conduire ?

— Oh ! pas pour les moutons, répondent-ils, — non, pour les Bédouins ! Le pays d’ici n’est pas sûr ; à une demi-heure d’Akabah, on commence à vous couper le cou !…

Puis, ils rassemblent leurs ouailles, avec des cris