Page:Loti - Le désert, 1896.djvu/175

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des voiles de la Mecque, figures rigides et implacables, qui ont au premier aspect la beauté des prophètes, mais des courbures féroces du nez, des yeux d’aigle ou de vautour. À en juger par l’accueil du caïmacam, ils doivent être des notabilités du désert avec qui l’on compte ; leurs affaires pourtant passeront après la nôtre, car on les fait asseoir à l’écart, presque dans l’ombre, en rang le long du mur, où ils formeront tapisserie farouche, tandis que va se décider notre sort, sous ce vieux plafond de palmes.

Enfin, le caïmacam recommence à parler d’une voix douce et élégante ; avec mille réticences, il nous dit la possibilité de nous laisser aller directement en Palestine ; mais ses hésitations encore, ses craintes… Oh ! les lenteurs orientales !… La conversation a lieu en turc, notre guide prosterné à deux genoux devant lui, dans une attitude à la fois suppliante et câline, guettant, pressant ce oui définitif qui nous permettrait de continuer notre voyage — et qu’au bout d’une demi-heure le caïmacam daigne enfin dire ! Alors nous sommes sauvés, car il n’a qu’une parole, comme tous les Orientaux.

Reste à écrire nos noms et le sien, en français et en turc, à régler différentes questions de détail, et puis nous prenons congé, ravis, après ces deux si anxieuses journées.