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Page:Loti - Le désert, 1896.djvu/177

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coupé en tous sens par d’inutiles clôtures humaines, d’incompréhensibles petites ruines. Et tant de fois je m’engage entre ces vieux petits murs croulants, dans des sortes d’impasses ne menant nulle part ! Personne, il va sans dire ; mais des ossements, des crânes d’animaux, blancs sous la vague lueur lunaire que les palmes tamisent…

Il doit être près de minuit, très tard pour Akabah.

Enfin, me voici dans un cimetière, entré je ne sais comment, et la voûte des grandes plumes noires ne s’étend plus sur ma tête ; d’ici je pourrai donc voir un peu loin et m’orienter…

Vrai cimetière du désert, dans le sable envahissant et éternel. Il est vaguement rose, sous la lune ; le sol, les sauvages petites tombes en forme de selle de chameau, s’y confondent dans une même nuance saumon pâle ; on n’y distingue rien de saillant où puisse s’arrêter la vue ; il a cette imprécision d’aspect qui est particulière aux choses de ce pays dès que la nuit les enveloppe, et on le dirait aperçu à travers un voile en gaze rosée…

Une bête qui était là, mangeant je ne sais quoi d’effroyable dans un trou, s’enfuit devant moi avec un petit glapissement à donner le frisson de mort, — chien ou chacal.