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Page:Loti - Le désert, 1896.djvu/191

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haut monté sur son dos, le jeune cheik à fine taille, penche sa tête frêle, comme sous le poids d’un voile trop lourd, et tient toujours droit, à bras tendu, dans une pose hiératique, le traditionnel bâton dont la forme rappelle les feuilles nouvelles, encore non déployées, des lotus.



Nous nous éloignons. L’oasis n’est bientôt plus qu’une ligne verte, au pied de l’entassement rose des granits d’Arabie. Et la mer elle-même devient ligne, s’amincit, s’amincit, toujours aussi invraisemblablement bleue, — puis disparaît. Nous recommençons à cheminer par les vallées de cendre et par les montagnes de cendre, dans l’uniforme désolation grise et rose.

Parfois, nous passons devant quelque trou d’ombre qui semble pénétrer au cœur des roches et dont les abords sont encombrés d’ossements : antres de panthères qui, à cette heure, sommeillent — et qui sans doute, au bruit de nos pas, entrouvrent leur œil jaune.

Il fait lourdement chaud, et surtout, il fait sinistre ; cependant la paix du désert retrouvée nous semble délicieuse, après les agitations et les anxiétés d’Akabah.