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Page:Loti - Le désert, 1896.djvu/198

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antiques se conservent d’une manière très spéciale et où, par contre, les rares choses nouvelles prennent de suite l’uniforme patine cendrée du passé, il est impossible de donner un âge à ce pont. Est-ce Baudoin Ier, roi de Jérusalem, qui le fit construire quand il vint s’emparer d’Ælana, aujourd’hui devenue la sauvage Akabah, — ou bien le roi Salomon, quand il se rendit à cette même Ælana, qui s’appelait alors Eziongaber, pour y recevoir la belle reine visiteuse ?… Non, cet arceau de pierres n’a, paraît-il, que vingt ou trente ans ; les Arabes, nos contemporains, se sont décidés à le construire en même temps que ce semblant de route, parce que c’est ici le passage des pèlerins pour la Mecque, de tous ceux qui viennent de l’Occident et du Nord, et leurs caravanes ne pouvaient vraiment plus franchir ces montagnes, de plus en plus éboulées et tourmentées.

Dans les gorges par lesquelles nous montons, et d’où la nature verte est absente, il y a grand luxe de pierres, grand et morne étalage de curiosités géologiques ; nous sommes ce matin au milieu des grès couleur de chair, herborisés comme les plus précieuses agates : sur toutes leurs cassures fraîches, se dessinent en noir des feuillages délicats, fougères ou capillaires. Et il y en a ainsi par milliers ; le