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Page:Loti - Le désert, 1896.djvu/236

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transparences qui permettent de voir les choses extra-lointaines ; de très lumineux déserts, tout de sables pâles, d’une teinte inusitée à nos yeux. Des chaînes de tristes collines les traversent, pâles aussi, se succédant comme des séries de vertèbres ; regardées en détail, elles prennent ces mêmes aspects de tente qui nous avaient frappés hier ; elles ont des pointes, des cornes, avec des rayures d’étoffe bédouine fanée, ou des mouchetages de panthère décolorés au soleil.

Le vide et l’immense ne nous avaient pas encore été révélés sous de tels aspects, dans de telles blancheurs, et nous sommes bien loin de la contrée des granits roses où poussait la myrrhe. Ici, l’étendue est charpentée de calcaires, blanchâtres obstinément, que les siècles sont à peine parvenus à dorer ; sur les éblouissantes plaines, croissent seulement quelques-uns de ces genêts à fleurs blanches et grises, si fleuris qu’on dirait des gerbes d’étain ou d’argent.

Et soudain voici un grand lac bleu clair qui tremble, ondule à pleins bords, étend et replie ses eaux chimériques sur toute la partie occidentale de ces terres mortes.

Il fait une lourde chaleur endormante et, au bercement monotone de la marche, nos yeux se ferment.