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Page:Loti - Le désert, 1896.djvu/246

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à côté d’un autre, mort, le ventre déjà vidé par les bêtes. Quelque caravane qui passait l’a laissé là, à l’abandon, pour qu’il meure ; il essaye de se relever, de nous suivre, mais il retombe au bout de quelques pas, épuisé et fini, la tête dans l’herbe.



Il y a comme un adoucissement de tout, de la lumière, des formes et des couleurs. Les collines n’ont plus de structures tourmentées, mais s’arrondissent très simplement sous leur léger manteau vert ; des brumes se tiennent sur les lointains et en dégradent les nuances ; il semble qu’on ait changé et atténué tout l’éclairage de la terre.

Les magnificences des midis et des soirs ne se déploient que dans les contrées où l’air, mortel aux plantes, est exempt de vapeur d’eau et diaphane autant que le vide sidéral. Nos souvenirs du désert disparu sont maintenant comme ceux que l’on garderait, en reprenant pied dans les réalités de chaque jour, après quelque spectacle de presque terrifiante magie.

Le vert, le vert nouveau continue de s’accentuer de tous côtés. Les asphodèles, qui avaient commencé de paraître avant-hier, d’abord si étiolés et courts,