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Page:Loti - Le désert, 1896.djvu/95

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ici — et de toute éternité. Mais, sur ce sol si fin d’une nuance si rare, nos bagages épars sont des caisses peinturlurées d’arabesques multicolores ; des couvertures et des tapis aux éclatants bariolages ; surtout de ces énormes bissacs pour chameaux, ornés de broderies en coquillages blancs et de pendeloques en laine noire — grand luxe des nomades.

Au milieu de ces choses, un gesticulement continu de Bédouins en fureur. Des gens, à mince figure de bronze, agitant de longs bras nus hors de burnous en lambeaux. Et, sur l’ensemble noirâtre de leurs haillons ou de leurs peaux de bêtes, brillent les cuivres fourbis de leurs longues pipes, de leurs vieux fusils ayant beaucoup tué, de leurs vieux coutelas ayant tranché beaucoup de chair…

Et, tant est sonore ce granit desséché, il semble que partout, au-dessus de nos têtes, on hurle aussi, à différentes hauteurs, dans les autres gorges de pierres rouges qui vont s’échelonnant vers le ciel vide.

Par instants, la clameur est furieuse, les gestes féroces ; dans les groupes, on se prend deux à deux par la tête, ce qui est une forme de l’adjuration.

Et puis, cela semble s’apaiser ; alors on commence à faire coucher les chameaux pour les charger et nous prévoyons que nous allons partir. Mais cela