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Page:Loti - Le désert, 1896.djvu/94

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sable ; des chameaux errent alentour et une cinquantaine de Bédouins sont là, groupés en masse compacte, qui hurlent tous ensemble.

C’est qu’aujourd’hui, devant partir pour une région différente, nous avons à changer de cheik et d’escorte : alors il y a discussion, c’était inévitable, entre ceux que nous allons quitter et ceux que nous allons prendre.

De plus, le nouveau cheik, au lieu de vingt chameaux que nous lui avions demandés, nous en a amené trente-cinq, qu’il veut nous contraindre à garder pour nous rançonner davantage. — Mais cela, c’est l’affaire de notre guide-interprète. Pour rester de bon ton au désert, nous devons ne prendre aucune part au débat, faire preuve, au contraire, d’une dignité détachée en nous asseyant simplement pour attendre.

Nous sommes dans une sorte d’entonnoir de montagne, où commence à descendre un resplendissant soleil matinal. Tout autour et tout près de nous, les gigantesques mornes de granit absolument rouges escaladent le ciel absolument bleu.

Le fond de cette gorge est d’un sable spécial, d’une poussière rose de granit, jonchée de cailloux bleus et saupoudrée de gelée blanche. Naturellement, la note verte des arbres et des herbages manque