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Page:Loti - Le désert, 1896.djvu/97

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pas eu le temps de prendre les devants sur nos bagages à cause de la discussion de ce matin. Et, à notre caravane, se joignent, avec leurs bêtes, cette quinzaine de chameliers que nous avons refusés et qui s’en vont rallier leur tribu. Sans rancune, ils nous font escorte, causent et chantent.

Peu à peu nous descendons des hauteurs sinaïtiques, regagnant par degrés la bonne chaleur d’en bas. Et, vers le soir, nous avons retrouvé le désert de sable, profond et pareil, avec ses petites plantes d’un vert si pâle, qui sont des aromates, des choses embaumées.



Au coucher du soleil, nous campons au milieu de ces maigres plantes aux senteurs précieuses, ayant de tous côtés l’espace infini, au lieu de l’oppression des froids granits rouges qui nous avaient tenus quatre jours enfermés là-haut. Et le Sinaï, devenu lointain, a repris sa grande taille par rapport aux montagnes qui l’entourent ; il dresse solitairement au-dessus d’elles sa tête neigeuse.

C’est une joie physique, de reprendre de moins épais voiles de laine blanche, dans l’air subitement attiédi et saturé d’arômes, en face des horizons vides,