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Page:Loti - Roman d’un enfant, éd. 1895.djvu/122

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LE ROMAN D’UN ENFANT

un livre du siècle dernier, relique de mes ascendants huguenots, dans lequel je voyais vivre ces choses : une Histoire de la Bible avec d’étranges images apocalyptiques où tous les lointains étaient noirs. Ma grand’mère maternelle gardait précieusement, dans un placard de sa chambre, ce livre qu’elle avait rapporté de l’île, et, comme j’avais conservé l’habitude de monter mélancoliquement chez elle, l’hiver, dès que je voyais tomber la nuit, c’était presque toujours à ces heures de clarté indécise que je lui demandais de me le prêter, pour le feuilleter sur ses genoux ; jusqu’au dernier crépuscule, je tournais les feuillets jaunis, je regardais les vols d’anges aux grandes ailes rapides, les rideaux de ténèbres présageant les fins de mondes, les ciels plus noirs que la terre, et, au milieu des amoncellements de nuées, le triangle simple et terrible qui signifie Jéhovah.