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Page:Loti - Roman d’un enfant, éd. 1895.djvu/130

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LE ROMAN D’UN ENFANT

au-dessus, ma bibliothèque toujours très délaissée.

Tant que duraient les beaux jours, cette fenêtre était ouverte, — les persiennes demi-closes, pour me permettre d’être constamment à regarder dehors sans que mes flâneries fussent remarquées ni dénoncées par quelque voisin malencontreux. Du matin au soir, je contemplais donc ce bout de rue tranquille, ensoleillé entre ces blanches maisonnettes de province et s’en allant finir là-bas aux vieux arbres du rempart ; les rares passants, bientôt tous connus de visage ; les différents chats du quartier, rôdant aux portes ou sur les toits ; les martinets tourbillonnant dans l’air chaud, et les hirondelles rasant la poussière du pavé… Oh ! que de temps j’ai passé à cette fenêtre, l’esprit en vague rêverie de moineau prisonnier, tandis que mon cahier taché d’encre restait ouvert aux premiers mots d’un thème qui n’aboutissait pas, d’une narration qui ne voulait pas sortir…

L’époque des niches aux passants ne tarda pas à survenir ; c’était du reste la conséquence fatale de ce désœuvrement ennuyé et souvent traversé de remords.

Ces niches, je dois avouer que Lucette, ma grande amie, y trempait quelquefois très volontiers. Déjà jeune fille, de seize ou dix-sept ans elle redevenait aussi enfant que moi-même à certaines heures. « Tu