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Page:Loti - Roman d’un enfant, éd. 1895.djvu/131

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LE ROMAN D’UN ENFANT

sais, tu ne le diras pas au moins ! » me recommandait-elle, avec un clignement impayable de ses yeux si fins (et je le dis, à présent que les années ont passé, que l’herbe d’une vingtaine d’étés a fleuri sur sa tombe).

Cela consista d’abord à préparer de gentils paquets, bien enveloppés de papier blanc et bien attachés de faveurs roses ; dedans, on mettait des queues de cerises, des noyaux de prunes, de petites vilenies quelconques ; on jetait le tout sur le pavé et on se postait derrière les persiennes pour voir qui le ramasserait.

Ensuite, cela devint des lettres, — des lettres absolument saugrenues et incohérentes, avec dessins à l’appui intercalés dans le texte, — qu’on adressait aux habitants les plus drolatiques du voisinage et qu’on déposait sournoisement sur le trottoir à l’aide d’un fil, aux heures où ils avaient coutume de passer…

Oh ! les fous rires que nous avions, en composant ces pièces de style ! — D’ailleurs, depuis Lucette, je n’ai jamais rencontré quelqu’un avec qui j’aie pu rire d’aussi bon cœur, — et presque toujours à propos de choses dont la drôlerie à peine saisissable n’eût déridé aucun autre que nous-mêmes. En plus de notre bonne amitié de petit frère à grande sœur, il y avait