Aller au contenu

Page:Loti - Roman d’un enfant, éd. 1895.djvu/64

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
50
LE ROMAN D’UN ENFANT

les aspects m’intriguaient, me plongeaient dans des rêveries sans fin. Il y avait surtout un certain aïeul Samuel, qui avait vécu au temps des persécutions religieuses et auquel je portais un intérêt tout à fait spécial.

Je ne tenais pas à ce que ce fût varié, ces histoires ; souvent même j’en faisais recommencer de déjà racontées qui m’avaient plus particulièrement captivé.

En général, c’étaient des voyages (sur ces petits ânes qui jouaient un rôle si important jadis dans la vie des bonnes gens de l’île), pour aller visiter des propriétés éloignées, des vignes, ou bien pour traverser les sables de la « grand’côte » ; ensuite, sur le soir de ces expéditions, se déchaînaient des orages terribles, qui obligeaient à camper pour la nuit dans des auberges, dans des fermes…

Et quand mon imagination était bien tendue vers ces choses d’autrefois, dans l’obscurité tout à fait épaissie dont je n’avais plus conscience : drelin, drelin, la sonnette du dîner !… Je me levais en sautant de joie. Nous descendions ensemble, dans la salle à manger, où je retrouvais toute la famille réunie, la lumière, la gaieté, et où je me jetais tout d’abord sur maman pour me cacher la figure dans sa robe.