Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 3.djvu/122

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qu’aux troncs robustes des chênes végétaient éphémèrement les hamadryades mortelles ; et qu’à l’ombre des roches fraîches, sur la mousse et les feuilles chues, les petites napées s’allaient tapir. Mais s’il plongeait la main dans les sources, il ne touchait jamais rien qu’une eau fragile et transparente ; s’il écorchait la peau des arbres, il ne voyait pas de sang couler dans la lente sève incolore ; s’il entrait, fût-ce à la première aube, dans le silence des grottes désertes, il ne trouvait pas sur les herbes la trace des sommeils bienheureux.

Tout le jour il errait par les bois, suivant les pistes des boucs sauvages, dans l’espoir fervent qu’elles le conduiraient aux satyres. Que de fois il s’était demandé à quelle fleur étaient semblables les yeux glauques d’Aphroditê ! Une fois il était resté trois jours et trois nuits au bord d’un petit étang, guettant une apparition d’Artémis parce qu’il avait vu dans la vase la marque d’un pied délicat.

Telle était la douleur d’Hyacinthe. Le spectacle de la terre lui demeurait insupportable, les sept couleurs du jour avaient lassé tous ses regards, et la monotonie de la nature emplissait d’ennui sa pensée.

Ce jour-là, il s’était assis, plus attristé que de coutume, au pied d’un chêne fruste et moussu qui marquait de son ombre large le point extrême de la forêt.