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Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 3.djvu/17

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Les mains étonnées de Lêda prirent avec soin la petite tête et l’enveloppèrent de caresses. L’oiseau frémissait de toutes ses plumes. Dans son aile profonde et moelleuse, il serrait les jambes nues et les faisait plier. Lêda se laissa tomber à terre.

Et elle se mit les deux mains sur les yeux. Et elle n’avait ni frayeur ni honte, mais une inexplicable joie, et son cœur battait à faire lever ses seins.

Elle ne devinait pas ce qui allait arriver. Elle ne savait pas ce qui pouvait arriver. Elle ne comprenait rien, pas même pourquoi elle était heureuse. Elle sentait le long de ses bras la souplesse du col du Cygne.

Pourquoi était-il venu ? Qu’avait-elle fait pour qu’il vînt ? Pourquoi ne s’était-il pas enfui comme les autres cygnes sur le fleuve ou les satyres de la forêt ? Depuis ses premiers souvenirs elle avait toujours vécu seule. Aussi n’avait-elle pas beaucoup de mots pour penser, et l’événement de cette nuit-là était si déconcertant… Ce Cygne… ce Cygne… Elle ne l’avait pas appelé, elle ne l’avait même pas vu, elle dormait. Et il était venu.

Elle n’osait plus du tout le regarder et ne bougeait pas, de peur de le faire envoler. Elle sentait sur le feu de ses joues la fraîcheur de son battement d’ailes.

Bientôt il sembla reculer et ses caresses s’altérèrent. Lêda s’ouvrait à lui comme une fleur bleue