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Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 4.djvu/207

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vêtement sur l’épaule et s’esquiva d’un pas troublé.


Timon resta seul dans la chambre avec l’agonisante en croix.

Le souvenir d’une nuit passée sur les seins de cette malheureuse ne quittait plus sa mémoire, mêlée à l’idée atroce de la pourriture imminente où allait fondre ce beau corps qui avait brûlé dans ses bras. Il pressait la main sur ses yeux pour ne pas voir la suppliciée, mais sans relâche il entendait le tremblement du corps sur la croix.

À la fin il regarda. De grands réseaux de filets sanglants s’entre-croisaient sur la peau depuis les épingles de la poitrine jusqu’aux orteils recroquevillés. La tête tournait perpétuellement. Toute la chevelure pendait du côté gauche, mouillée de sang, de sueur et de parfum.

« Aphrodisia ! m’entends-tu ! me reconnais-tu ? c’est moi, Timon, Timon. »

Un regard presque aveugle déjà l’atteignit pour un instant. Mais la tête tournait toujours. Le corps ne cessait pas de trembler.

Doucement, comme s’il craignait que le bruit de ses pas lui fît mal, le jeune homme s’avança jusqu’au pied de la croix. Il tendit les bras en avant, il prit avec précaution la tête sans force et tournoyante entre ses deux mains fraternelles, écarta pieusement le long des joues les cheveux