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Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 8.djvu/145

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je ne lui en dirais pas un mot. C’est si facile, à Paris, de tromper, un homme sans qu’il le sache ! Et puis, vous avez tous les droits pour vous. Personne ne vous jettera la pierre. Ça, c’est une question de morale : quand une honnête femme apprend que son amant a des maîtresses, elle peut s’amuser à son tour et rester une honnête femme. Il n’y a pas un reproche à lui dire. Alors, voilà ce que vous feriez, si vous m’écoutiez.

— Je vous écoute.

— Vous auriez deux amis au lieu d’un. D’abord pour le plaisir ; on n’en prend jamais trop quand on a votre âge. Ensuite, par prudence, afin que si l’un d’eux s’en va, l’autre reste, et qu’on ne se retrouve pas toute seule. Le second ami, vous le choisiriez jeune et beau, bien fait, riche et de grande famille. Vous avez le choix. M. Aimery a de la fortune, mais celui à qui je pense est deux fois plus riche que lui, et surtout beaucoup mieux né ; car enfin, je ne dis pas de mal des Jouvelle, je ne les connais pas ; mais tout le monde sait que les Sarens… Mon Dieu ! j’ai dit le nom sans m’en apercevoir.

— Ah ! c’est Jean de Sarens qui vous envoie ?

— Oui… c’est-à-dire… Il ne m’envoie pas du tout ! Seigneur ! Il est bien loin de se douter… Mais j’ai vu sa douleur, ses larmes… Et moi qui vous aime tant aussi… Je me suis mise à pleurer… à… à »

La manucure tira son mouchoir de deuil.