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Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 8.djvu/43

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possible, et d’abord chercher son adresse. Il ignorait même où elle demeurait.

Lui écrire ! Son cœur bondit. La première lettre, la source, l’origine de cet avenir inconnu, l’enveloppe qui serait toujours au sommet du paquet de lettres, sous le nœud de rubans et qu’on rouvrirait par la suite avec le plus d’amour ou le plus de haine, en disant : Tout est venu de là !

Et quelle œuvre difficile ! Donner l’heure du train, le numéro de la voiture, la lettre du compartiment, le nom de la station, quoi encore ? des conseils pour l’enregistrement des bagages ! et harmoniser cela sur un thème de passion par des artifices de contrepoint ! Écrire dans un style si bien équilibré que Psyché n’y trouvât ni une assurance qui pût l’offenser, ni un doute qui la fît hésiter elle-même et peut-être s’abstenir ! Que de délicats périls dans cette page ardente !

L’automobile s’engagea dans la silencieuse rue d’Aguesseau ; franchit la grille d’un jardin et s’arrêta devant un escalier double.

Aimery montait déjà les marches de sa maison quand le valet de chambre descendit à sa rencontre.

« Monsieur… Madame est là.

— Madame ?

— Depuis une demi-heure, Monsieur.

— Quel jour sommes-nous donc ?

— Mardi, Monsieur.