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Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 8.djvu/44

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— Mardi ?… C’est vrai. Elle déjeune. J’avais complètement oublié. Où est-elle ?

— Dans le boudoir de Madame, Monsieur.

— Elle s’impatiente ?

— Non, Monsieur. Madame joue avec le singe.

— Bien. Je ne monterai que dans dix minutes, j’ai une lettre à écrire dans mon cabinet. Si Madame me demande, vous me préviendrez. »


Deux années auparavant, Aimery était revenu d’Égypte, bien après la fin de la saison, sur un paquebot presque désert. Le hasard le mit à table auprès d’une jeune fille étrange qui avait le teint d’une mulâtresse et les traits presque européens : le nez délicat, les yeux allongés.

Ces yeux-là séduisirent Aimery dès qu’il eut croisé leur regard. Entre leurs paupières nuancées dont les bords étaient naturellement noirâtres, ils souriaient d’un sourire très tendre, humide, effilé en arc et si voluptueux qu’ils semblaient toujours murmurer le merci du plaisir suprême.

Les cheveux noirs étaient abondants et légers, les sourcils et les cils très longs, les lèvres foncées, le col fin. Une petite ouverture perçait la narine droite.

Après le dîner, Aimery suivit la jeune fille sur le pont. Ils causèrent.

Elle était née à Pondichéry, d’un père philippin et d’une mère hindoue, l’un et l’autre de sang mé-