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Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 8.djvu/51

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sans un reproche, sans une amertume dans la voix à peu près comme elle aurait dit : Comment puis-je te faire plaisir ? elle chuchota, les yeux vers lui :

« À quelle heure veux-tu que je m’en aille ?

Brusquement attendri, et un peu honteux, Aimery se redressa, la prit par les épaules, la regarda dans les prunelles…

« Cœlia, dit-il d’une voix affectueuse, y a-t-il au monde un cœur plus charmant que le tien ? Sais-tu que si je voyais la moindre tristesse au fond de ces yeux-là, je resterais à tes pieds ?

— Mais je ne suis pas triste ? Tu es dans mes bras. »

Et elle lui souriait, consciente de sa force.

Jamais plus elle ne l’attirait au moyen des vices qui lassent, qui rechutent et finissent par éloigner. Elle le retenait par une certaine influence primitive, un charme simple et nu qui émanait d’elle et qui suggérait sans cesse à l’esprit et à la chair le goût de la jonction ardente. Aimery avait connu des femmes dont le seul aspect physique éveillait le désir de toutes les perversités et qui s’y prêtaient avec rage, comme la Bordelaise d’Ausone, « de peur de mourir avant d’avoir tout éprouvé ». Aracœli n’avait pas été moins docile ni peut-être moins curieuse, mais dans ses bras l’amour était d’autant plus beau qu’il était aussi plus pur, et elle mettait enfin tant de jeune grâce à l’offrir, tant de sensualité à le recevoir, tant de reconnais-