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Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 8.djvu/52

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sance à le partager, que dans l’étreinte de ses jambes si douces toute la volupté était une tendresse.

« Tarquin ! Veux-tu me laisser tranquille ! »

Le singe s’était emparé du ruban de soie auquel l’orange ennemie était suspendue. Il avait le sens du talion. C’était tout son instinct de justice. Malaisément assis dans un tiroir d’acajou rose qui dominait la niche du divan-étagère, il imitait comme un acteur la posture qu’Aracœli avait prise pour le tourmenter, et lui rendait de point en point le traitement qu’il avait reçu d’elle.

« Tarquin ! Si j’attrape ta queue ! »

Mais Tarquin ne se laissait pas prendre. D’un bond, il fut dans les rideaux, se hissa au cordon de tirage et se gratta le ventre sur le baldaquin en laissant pendre son orange comme un pompon ornemental.

Elle le poursuivait. Il descendit un peu, pour la narguer de plus près. Elle leva le bras : l’orange lancée la toucha au poing et remonta dans les pattes du singe.

« Je ne joue plus, » dit Cœli.

Et elle fit semblant de pleurer, puis éclata de rire : Tarquin victorieux mettait fin au combat en épluchant son projectile que seule une soif de vindicte l’avait empêché de dévorer plus tôt.

Le déjeuner, d’ailleurs, était servi, non seulement pour Tarquin, mais pour ses adversaires.