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Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 8.djvu/58

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la tentation acharnée ! « Débauche-toi ! tout est prêt pour ta chute, le rez-de-chaussée, le château lointain, choisis, j’ai tout prévu. Si tu pars, voici ton billet, l’auto suivra dans les bagages. Débauche-toi, cela restera secret. Ni scandale, ni grossesse, tu ne risques rien ; et si même on te surprend, nul ne te tiendra rigueur ; c’est admis par les mœurs du temps, permis par les lois du monde. Regarde-moi, je suis la Jeunesse, je suis la Luxure et la joie ! » Et j’entends cela tous les jours de ma vie et quelque pas que je fasse, un amant m’assaille, et quand je le repousse, quand je prends tout mon courage pour me sauver de lui, je découvre que cet homme a un allié juré, qui est là, dans mon cœur, dans ma chair et mon sang et qui me crie : « Suis-le ! Suis-le ! »… Mon Dieu ! Je n’ai plus de forces…

Sur ces mots elle sentit réellement tomber les derniers restes de son énergie. La volonté nerveuse encore serrée à ses tempes se détendit comme une corde lasse de vibrer sans fin sur le vide. Une onde faiblissante et subtile parcourut le corps de Psyché. Le calme la prit et dans la lumière du matin Aimery apparut sous ses paupières fermées.

Elle l’imagina tristement, comme on songe à une terre promise à la fois et défendue. Partir avec lui, c’était une rêverie, elle ne partirait pas, elle le savait bien ! Mais puisqu’il n’était plus là, puis-