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Page:Louÿs - La Femme et le Pantin, 1916.djvu/86

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son sabre, avec la satisfaction d’avoir rétabli l’ordre public.

Le train s’était remis en marche. Nous passâmes Sainte-Marie-des-Neiges dans un paysage de prodige. Un cirque immense de blancheurs sous un précipice de mille pieds se refermait à l’horizon par une ligne de montagnes pâles. La lune éclatante et glacée était l’âme même de la sierra neigeuse et nulle part je ne l’ai vue plus divine que pendant cette nuit d’hiver. Le ciel était absolument noir. Elle seule luisait, et la neige. Par moments, je me croyais en route dans un train silencieux et fantastique, à la découverte d’un pôle.

J’étais seul à voir ce mirage. Mes voisins dormaient déjà. Avez-vous remarqué, cher ami, que les gens ne regardent jamais rien de ce qui est intéressant ? L’an dernier, sur le pont de Triana, je m’étais arrêté en contemplation devant le plus beau coucher de soleil de l’année. Rien ne peut donner une idée de la splendeur de Séville dans un pareil moment. Eh bien, je regardais les passants : ils allaient à leurs affaires ou causaient en promenant leur ennui ; mais