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Page:Louÿs - La Femme et le Pantin, 1916.djvu/87

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pas un ne tournait la tête. Cette soirée de triomphe, personne ne l’a vue.

…Comme je contemplais la nuit de lune et de neige et que mes yeux se lassaient déjà de son éblouissante blancheur, l’image de la petite chanteuse traversa ma pensée, et je souris du rapprochement. Cette jeune moricaude dans ce paysage scandinave, c’était une mandarine sur une banquise, une banane aux pieds d’un ours blanc, quelque chose d’incohérent et de cocasse.

Où était-elle ? Je me penchai par-dessus la barrière d’appui et je la vis tout près de moi, si près que j’aurais pu la toucher.

Elle s’était endormie, la bouche ouverte, les mains croisées sous le châle, et dans le sommeil sa tête avait glissé sur le bras de la religieuse voisine. Je voulais bien croire qu’elle était femme, puisqu’elle-même nous l’avait dit ; mais elle dormait, Monsieur comme un enfant de six mois. Presque tout son visage était emmitouflé dans son foulard à cornes qui