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Page:Louÿs - Trois filles de leur mère, 1979.djvu/139

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Teresa reprit ses sens très vite : assez tôt pour me retenir où j’étais en elle. La plupart des amoureuses ont l’instinct de ce geste et ignorent pourtant que ces minutes où l’on s’attarde sont celles où leur amour est le mieux partagé. Teresa, comme toujours, savait ce qu’elle faisait.

Elle ne me demanda ni une parole ni un baiser. Elle vit que je laissais une distance entre nos bouches. Elle sentit qu’involontairement je ne caressais pas son corps, mais que je la tâtais : et cela la traitait de putain mieux que si j’avais répété le mot. Alors, trop adroite pour me souffler un imprudent : « Dis-moi que tu m’aimes ! » qui serait tombé à faux, elle parut accueillir mon geste avec plaisir. Elle ouvrit les cuisses toutes grandes à ma main qui était pourtant distraite ; elle frémit du ventre, elle plissa les yeux et finit par me dire d’une voix aussi confuse que reconnaissante :

« J’ai inondé ton lit, mon amour ! »

Comment un jeune homme n’embrasserait-il pas la femme qui lui parle ainsi, dans ses bras ? Il faut ne pas coucher avec elle, ou du moins… ne pas avoir vingt ans. Et la baiser de la bouche à la bouche passe tellement toutes les autres unions amoureuses que seulement, alors, Teresa mesura sa force contre moi.

Sûre d’elle, désormais, et ne craignant plus de se voir fermer la porte, elle sortit de la chambre.

Après quelques minutes qui me furent assez longues, elle revint toute nue, comme elle était partie. Je la croyais dans la pièce voisine et je ne sus que plus tard qu’elle avait passé ce temps chez elle.