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Page:Louÿs - Trois filles de leur mère, 1979.djvu/159

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ce qu’elle peut foutre sur la scène. Qu’est-ce que tu veux donc lui apprendre de plus ? »

Mais Lili achevait de parler et modulait des mots énormes comme avec une flûte angélique.

« Alors c’est la faute de ma mère si je ne me branle plus sous ma chemise de nuit comme une petite fille modèle. Au lieu de ça, je passe une heure toute nue à me frotter le cul sur ma petite gueule en me disant : « Lili, tu ne t’embêteras pas quand tu pourras te sucer du foutre ! » Les grandes personnes, monsieur, ça ne peut pas savoir comme ça donne de mauvais conseils parce que, heureusement, on ne les écoute jamais ; on ne fait que semblant ; mais quand une fois par hasard on est assez rosses pour leur obéir, alors voilà ce qui arrive.

— Dis donc, Lili ! fit Teresa, gaiement grondeuse.

— Tu n’es pas là, maman », répondit Lili, qui reprit son rôle aussitôt pour annoncer qu’elle allait se taire, parce que son exercice lui couperait la parole.

À peine avait-elle commencé… qu’elle réussit. Elle s’enroula en boule, les épaules touchant le drap du lit, les jambes ouvertes derrière la tête, les bras croisés sur les reins. Sa motte lui baisa le menton… et ce détail ne fut pas d’abord ce dont je fus le plus curieux. Je regardais son corps si petit déjà, si fluet, si court, si léger, devenir deux fois plus petit, se réduire presque à rien, comme s’il rentrait dans sa coquille.

Lili prolongeait l’exercice et quand je voulus commander : « Repos ! » Teresa dit tout le contraire :