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Page:Louÿs - Trois filles de leur mère, 1979.djvu/158

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— Croirait-on pas que c’est vrai ? » fit encore Teresa.

Lili ne sourcilla point. De la voix lente et résignée d’une enfant qui conte ses malheurs sans espoir de consolation, elle continua en faisant presque avec pudeur ce qu’elle racontait :

« Monsieur, je vous prends à témoin. Je me branlais sagement comme ça : un doigt dans le cul, un doigt dans la fente et un doigt sur le petit bouton. Je ne me faisais pas de mal, je vous assure, mais j’ai eu beau le dire à maman : les grandes personnes, ça comprend rien.

— Pauvre petite ! soupirai-je avec elle.

— Et ça vous lance des mots !… Maman m’a fait jurer que je ne reprendrais plus jamais la funeste habitude de la « masturbation » ! Un mot pareil en pleine figure ! sur une petite fille, monsieur !

— Est-il permis !… Et vous ne l’avez jamais reprise, cette funeste habitude ?

— Non, parce que je n’ai qu’une parole.

— Et vous ne vous êtes pas suicidée ?

— Non, parce que je m’en foutais comme de mes trois pucelages. Depuis que je peux plus me branler, je me gousse. »

Instinctivement, Lili laissa tomber cette dernière réplique sans aucun accent. Elle garda sa voix simple et douce. Dix ans de théâtre pour certaines actrices ne valaient pas dix ans d’existence pour Lili. Je ne pus m’empêcher de dire à l’oreille de Teresa :

« Il faut en faire une comédienne !

— C’est fait, répondit Teresa. Elle offre de sucer le directeur avant même de lui expliquer