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Page:Louÿs - Trois filles de leur mère, 1979.djvu/197

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mais il n’est pas nécessaire de connaître par leurs noms les figures de rhétorique pour les mettre comme Bourdaloue au service de la persuasion.

Fut-ce l’apostrophe, l’hypothèse, l’exhortation ou la prosopopée qui l’emporta ? Je ne sais. Ricette baissa la tête et demanda seulement :

« Alors ! Qui aura le premier coup si je n’ai que le second ?

— Rentrez. On tirera au sort. »

Oh ! cette fois la rhétorique manquait trop à une telle réponse.

Mauricette devint furieuse et passa brusquement aux pires excès de langage :

« Ah ! non ! vous vous foutez de moi toutes les trois ! C’est mon amant ! C’est moi qui l’ai trouvé ! C’est moi qui l’ai fait bander la première ! J’ai eu l’honnêteté, la connerie de vous le dire et depuis trois jours vous mouillez dessus, et ce soir où il me dépucelle il faut encore que j’aie vos restes ? »

Et comme Teresa souriait, sans émotion ni surprise, Mauricette folle de colère fit alors une scène effroyable. Les paroles passent tous les actes. Je n’avais jamais imaginé qu’une fille, même dressée aux vices, pût dire de pareils mots à sa propre mère. Elle articulait au hasard, d’une voix sans suite, sans raison, pour la joie de lancer les injures dans le désordre et l’incohérence où elle les avait mâchées :

« Ne me touche pas ! je t’emmerde ! je t’emmerde ! et je foutrai le camp cette nuit ! Je t’emmerde, sale vache ! sale grue ! sale gousse !