Aller au contenu

Page:Louÿs - Trois filles de leur mère, 1979.djvu/196

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
194

comme si elle avait entendu la première phrase de Mauricette :

« Ne vous excitez pas, mes enfants ! dit-elle. Je ne vous marierai qu’à minuit.

— Oh ! pourquoi ? fit Ricette avec colère.

— Et vous êtes vraiment aussi gosses l’un que l’autre si vous ne devinez pas pourquoi ! »

Comme mon éducation lui importait moins que celle de sa fille, ce fut à Ricette qu’elle s’adressa :

« Comment ! une grande fille comme toi, tu ne réfléchis pas qu’au premier coup les hommes se retiennent moins bien qu’au second ? Et tu crois qu’on va te dépuceler comme on passe à travers un cerceau de papier ? Depuis le temps qu’on t’y fourre les doigts, penses-tu que tu serais encore pucelle si je ne t’avais pas fait un pucelage en cuir, comme le trou du cul ? »

Ricette rougit, piquée de recevoir une leçon devant moi ; mais Teresa n’avait pas fini.

« Qu’est-ce qui arrivera si je vous laisse faire ? Ou bien après cinq minutes d’efforts il jouira dans tes poils et tout sera manqué. Ou bien il sera tellement énervé de se retenir qu’au moment où il entrera… Tiens ! ah ! tiens ! tout pour toi !… Je lui couperai les couilles, mais trop tard. As-tu compris ? »

C’était le langage de la sagesse avec un vocabulaire qui, pour n’être pas celui des sermons, avait néanmoins de la force et même une certaine éloquence. En criant ce : « Tiens ! ah ! tiens ! » Teresa ignorait sans doute qu’elle introduisait une prosopopée dans son discours,