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Page:Louÿs - Trois filles de leur mère, 1979.djvu/212

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ses tétons sombres comme des bijoux orientaux. Ce contraste de nudités était pour moi sans précédent, même en art, en littérature… C’était Tsilla devant Hérodiade ou bien sainte Espérance devant Théodora, qui ne se sont point rencontrées.

Et Lili, prenant un air de résignation comique, soupira :

« Sommes-nous cocues, hein, maman ? Elle vient nous sucer notre amoureux sous le nez et elle ne nous rend pas une goutte de foutre !

— Attends ! j’en aurai au second coup.

— T’en auras ? je te félicite. Mais moi je peux me brosser la fente et regarder si mes poils poussent. »

Les métaphores de Lili étaient souvent personnelles, mais elles valaient mieux encore par l’aisance qu’elle savait donner à leur improvisation.

Or Teresa possédait ses filles corps et âme, comme eût dit un romantique. Devinant leurs pensées aussi bien que leurs désirs, elle sentit que Lili agaçait Mauricette et qu’à son âge elle était incapable de comprendre l’état de sa sœur.

Ici encore les plus hautes autorités philosophiques résolvent la question sans débat et presque dans les mêmes termes, car les théoriciens se dérobent entre eux non seulement leurs idées mais l’expression d’icelles. « Une jeune courtisane impubère qui s’exerce au coït anal est excusable de méconnaître le double égarement physique et moral qu’éprouve une adolescente nubile la nuit où elle ouvre les cuisses pour offrir sa virginité. » Telle est la