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Page:Louÿs - Trois filles de leur mère, 1979.djvu/216

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« Demande à tes filles. Elles en ont bu toutes les trois.

— Quelle bouche aimes-tu le mieux ?

— La tienne. »

Et je ne mentais pas. Je la préférais d’avance comme si je l’avais éprouvée. Teresa pourtant eut un sursaut à cette réponse. Je craignais à tout instant de voir la porte s’ouvrir, et, surtout pour ne pas continuer sur ce ton, mais aussi pour l’interroger en quelques mots, je lui dis rapidement :

« Qu’est-ce qui va se passer ? Qu’est-ce qu’elles font ?

— Je m’en fous ! » dit Teresa en me donnant ses lèvres.

Cela tournait court. Je la ramenai au sujet d’un ton suppliant. Après une minute de silence où je craignais tout le temps un de ces crescendos que j’ai plusieurs fois décrits déjà, elle retint sa voix au contraire et me répondit, mais de si près que j’avais ses cheveux sur le visage :

« Ce n’est qu’un jeu. Ça lui fait plaisir. Elle aime ce rôle-là. Tu la connais bien.

— Qui ?

— Ma Charlotte, fit-elle tendrement. Je ne vois pas ce qu’elles font toutes les deux, mais je le sais. Charlotte se costume en fille de trottoir et Mauricette en autre chose. Elles sont aussi gosses l’une que l’autre. Elles font des comédies même quand elles sont toutes seules, et puisque tu es là, joue avec elles, quoi ? »

Puis, se montant, elle ajouta :

« Je les ai assez foutues à poil dans ton lit, mes filles ! Si tu ne connais pas leurs caractères ! Si