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Page:Louÿs - Trois filles de leur mère, 1979.djvu/227

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tramway, ajoutai-je avec quelque honte de ces imbécillités.

— Eh bien, donne-moi six sous, voilà tout, tu seras plus généreux la prochaine fois. Donne-moi six sous et je te ferai le poisson souffleur. Quand je t’aurai sucé la queue, je rendrai le foutre par le nez. »

Charlotte me donnait la nausée. J’eus un vague sourire et, pour hâter la fin de la scène en provoquant une réplique trop facile à deviner, je lui dis avec violence :

« Veux-tu t’en aller ou je t’encule ! »

Cette formule d’exorcisme est parfois efficace pour chasser les raccrocheuses ; mais, au moins une fois sur trois, elle manque son but et les retient au lieu de les épouvanter.

Charlotte, qui joua bien cette partie de son rôle, me répondit d’une voix douce et du ton le plus indifférent, comme si je lui demandais de faire le poisson souffleur par la narine droite ou la narine gauche :

« Viens m’enculer, ça m’est égal. Tu crois que je ne le fais pas pour six sous ? Faut bien vivre. Et puis tu m’étrennes. Viens m’enculer sous le pont. Fourre bien ta queue, n’aie pas peur, tu saliras pas ton linge, je t’essuierai avec l’envers de ma jupe.

— Charlotte, tu es immonde ! lui dis-je à l’oreille.

— Si tu crois que je ne sens pas ce rôle-là ! » répondit-elle tristement.

Malgré les sentiments éteints que m’inspirait une pareille scène et que j’ai à peine besoin