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Page:Louÿs - Trois filles de leur mère, 1979.djvu/232

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— Fais attention ! dit Lili, sérieuse. Devant, Charlotte il a bandé sans le vouloir. Avec une aussi belle femme que moi il est foutu de décharger. »

Ce jeu présentait à mes yeux une curiosité franchement négative, donc assez rare et intéressante, comme tout ce qui est le contraire d’un idéal connu. Pour le dire en d’autres termes, ces petites scènes érotiques avaient aussi peu de rapport avec la dramaturgie qu’avec l’amour.

Je le répète sans craindre les redites. Ayez la bonté de ne pas croire que j’invente ce théâtre enfantin. Si vous jugez que mon style n’est pas celui d’un primaire, faites-moi la grâce de supposer que ces dialogues de courtisanes ne sont pas le fruit de mes veilles. Je les ai notés parce qu’ils m’ont paru plus « jeunes filles » que « putains » malgré leurs jeux de scène et leur vocabulaire : contraste qui m’amusait ; mais, comme les dessins d’une enfant, ils perdraient tout caractère sous la retouche.

Avant de jouer, je prévins Ricette que je reprenais un état physique moins rehaussé d’ostentation, et que je n’aimais point à me montrer sous un aspect ridicule ! On me donna donc un peu de repos à cet égard ; pas pour longtemps.

La scène commença par un fortissimo comme une symphonie classique.

Sans avoir rien préparé :

« Tu sors de l’école, ma petite fille ? dit Ricette. Ce n’est pas vrai. Il est sept heures. Ta maman a dû te gronder.