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Page:Louÿs - Trois filles de leur mère, 1979.djvu/254

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on revient en quinze jours de ces pays-là et nous nous reverrons. Elles t’embrassent. Nous avons été vraiment gentilles, mais toi aussi. Je t’embrasse la dernière. »

Dirai-je que jusqu’à cet instant je n’avais pas assez considéré tout ce qu’une telle aventure m’offrait de singulier, de complexe et d’agréable ? Le désespoir que j’eus à lire ces dix lignes fut cent fois plus violent que n’eût été mon plaisir et si elles m’avaient dit : « Viens ce soir. »

Je me rappelle le proverbe espagnol : Ayer putas, hoy comadres. (Hier putains ; aujourd’hui amies intimes). Ce proverbe fait pour les femmes était plus vrai pour moi que pour aucune commère de Gerone ou de Saragosse. Mais, avec la gaucherie sentimentale de mes vingt ans, je n’eus d’amour pour ces quatre putains qu’une heure après leur départ.

C’est absurde et cependant, me dirait un prêtre, cette absurdité même est une grâce de la Providence ; il eût été plus absurde encore que je prisse de l’amour pour elles si elles étaient restées quatorze ans à ma porte.

C’est grand dommage que Dieu n’existe pas, car il fait bien tout ce qu’il fait.

Dès que je pus relire à travers mes larmes le billet de Teresa, je devinai qu’il voulait dire : « J’ai eu des ennuis à Marseille à cause de Lili qui est un peu jeune ; l’affaire n’est pas classée ; on m’inquiète jusqu’ici. Je pars pour… (Le Chili ? la Plata ?…) Nous nous reverrons. »

Et plus tard, quand ma douleur me permit de