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Page:Louis Antoine de Bougainville - Voyage de Bougainville autour du monde (années 1766, 1767, 1768 et 1769), raconté par lui-même, 1889.djvu/230

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nèrent à aller le 23 reconnaître une passe entre l’île des Marteaux et la grande terre. J’en trouvai une, par laquelle nous pouvions sortir avec le vent du sud en embarquant nos bateaux dans le canal. Elle avait, il est vrai, d’assez grands inconvénients, et nous ne fûmes pas heureusement dans le cas de nous en servir.

Il avait plu sans interruption toute la nuit du 23 au 24 ; l’aurore amena le beau temps et le calme. Nous levâmes aussitôt notre ancre d’affourche ; nous envoyâmes établir une amarre à des arbres, une haussière sur une ancre à jet, et nous virâmes à pic sur l’ancre de dehors. Pendant la journée entière nous attendîmes le moment d’appareiller ; déjà nous en désespérions et l’approche de la nuit nous forçait à nous réamarrer, lorsqu’à cinq heures et demie il se leva une brise du fond du port. Aussitôt nous larguâmes notre amarre de terre, filâmes le grelin de l’ancre à jet sur laquelle l’Étoile devait appareiller après nous, et en une demi-heure nous fûmes sous voiles. Les canots nous remorquèrent jusqu’au milieu de la passe, où nous ressentîmes assez de vent pour nous passer de leur secours. Nous les envoyâmes aussitôt à l’Étoile pour la mettre dehors. À deux lieues au large, nous mîmes en travers pour l’attendre, embarquant notre chaloupe et nos petits canots. À huit heures nous commençâmes à apercevoir la flûte qui était sortie du port ; mais le calme ne lui permit de nous joindre qu’à deux heures après minuit. Notre grand canot revint en même temps, et nous l’embarquâmes.

Dans la nuit il y eut des grains et de la pluie. Le beau temps revint avec le jour. Les vents étaient au sud-ouest, et nous gouvernâmes depuis l’est-quart-sud-est jusqu’au nord-nord-est, rondissant comme la terre. Il n’eût pas été prudent de chercher à en passer au vent : nous soupçonnions que c’était la nouvelle Bretagne, et toutes les apparences nous le confirmaient. En effet, les terres que nous avions découvertes plus à l’ouest se rapprochaient beaucoup de celles-ci, et on apercevait, au milieu de ce qu’on aurait pu prendre pour un passage, des mondrains isolés, qui tenaient sans doute au reste par des terres plus basses. Telle est la peinture que fait Dam-