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Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 2, Plon 1865.djvu/21

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leur honneur, le peuple fit des sacrifices pendant soixante jours[1].

Lors donc que Suétone attribue l’inspiration des campagnes de ce grand homme au seul désir de s’enrichir par le butin, il ment à l’histoire et au bon sens, il assigne à un noble dessein le but le plus vulgaire. Quand d’autres historiens prêtent à César l’unique intention de chercher dans les Gaules un moyen d’arriver par la guerre civile à la suprême puissance, ils montrent, ainsi que nous l’avons indiqué ailleurs, une fausse perspicacité : ils jugent les événements d’après leur résultat final, au lieu d’apprécier froidement les causes qui les ont produits.

La suite de cette histoire prouvera que toute la responsabilité de la guerre civile appartient, non à César, mais à Pompée. Et, quoique le premier eût sans cesse les yeux fixés sur ses ennemis à Rome, il n’en poursuivit pas moins ses conquêtes, sans les subordonner à son intérêt personnel. S’il n’avait cherché que sa propre élévation dans ses succès militaires, sa conduite eût été entièrement opposée. On ne l’aurait pas vu soutenir pendant huit années une lutte acharnée, tenter les hasards d’entreprises comme celles de la Grande-Bretagne et de la Germanie ; il lui eût suffi, après ses premières campagnes, de venir à Rome profiter des avantages acquis, car, ainsi que le dit Cicéron[2], « il avait déjà fait assez pour sa gloire, s’il n’avait pas assez fait pour la République » ; et le même orateur ajoute : « Pourquoi César lui-même voudrait-il rester dans sa province, si ce n’est pour livrer accompli au peuple romain un ouvrage déjà presque achevé ? Est-il retenu par l’agrément des lieux, par la beauté des villes, par la politesse et l’aménité des individus et des peuples, par la cupidité de la victoire, par

  1. Cicéron, Discours sur les provinces consulaires, xi. – Dion-Cassius, XL, l.
  2. Discours sur les provinces consulaires, xiv.