Aller au contenu

Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 2, Plon 1865.djvu/432

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fert qu’il tombât, il lui a tendu la main, il l’a soutenu de son bien, de son crédit, et il le soutient encore aujourd’hui ; il arrête son ami sur le bord du précipice, et le calme de son âme n’est pas plus troublé par l’éclat de son propre nom, que ses yeux ne sont éblouis par l’éclat de sa gloire. Qu’elles soient grandes dans notre estime, comme elles le sont en réalité, les actions dont je parlais tout à l’heure ! De mon opinion à cet égard qu’on pense ce qu’on voudra ; mais quand je vois, au sein d’une telle puissance et d’une si prodigieuse fortune, cette générosité envers les siens, cette mémoire de l’amitié, je les préfère à toutes les autres vertus. Et vous, juges, loin que ce caractère de bonté, si nouveau, si rare chez les hommes considérables et illustres, soit par vous dédaigné, repoussé, vous devez l’entourer de votre faveur et chercher à l’encourager ; vous le devez d’autant plus, qu’on semble avoir choisi ce moment pour porter atteinte à la considération de César, bien que, sous ce rapport, on ne puisse rien faire qu’il ne supporte avec constance ou qu’il ne répare sans peine. Mais s’il apprend que l’un de ses meilleurs amis a été frappé dans son honneur, il en concevra la douleur la plus profonde, et ce sera pour lui un malheur irréparable[1]. »

Dans une autre circonstance, Cicéron expliquait ainsi la raison de son attachement pour le vainqueur des Gaules : « Je refuserais mes éloges à César, quand je sais que le peuple, et, à son exemple, le sénat, dont mon cœur ne s’est jamais séparé, lui ont prouvé leur estime par des témoignages éclatants et multipliés ! Alors, sans doute, il faudrait avouer que l’intérêt général n’influe point sur mes sentiments, et que les individus seuls sont les objets de ma haine ou de mon amitié ! Eh quoi ! je verrais mon vaisseau voguer à pleines voiles vers un port qui, sans être le

  1. Cicéron, Pour Rabirius Postumus, xv-xvi.