Aller au contenu

Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 2, Plon 1865.djvu/431

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

seul ami. Ce simulacre de son ancien rang, que César seul lui a conservé et l’aide à soutenir, est le seul bien qu’on puisse lui ravir aujourd’hui. Et voilà pourquoi nous devons d’autant plus le lui maintenir dans sa détresse. Ce ne peut être l’effet d’un mérite médiocre, que d’inspirer, absent et malheureux, tant d’intérêt à un tel homme, qui, dans une fortune si élevée, ne dédaigne pas d’abaisser ses regards sur les affaires d’autrui. Dans cette préoccupation des grandes choses qu’il fait ou qu’il a faites, on ne s’étonnerait pas de le voir oublier ses amis, et, s’il les oubliait, il lui serait facile de se le faire pardonner.

J’ai reconnu dans César de bien éminentes et merveilleuses qualités ; mais ses autres vertus sont, comme sur un vaste théâtre, exposées aux regards des peuples. Choisir habilement l’assiette d’un camp, ranger une armée, emporter des places, enfoncer des lignes ennemies, affronter la rigueur de l’hiver et ces frimas que nous avons peine à supporter au sein de nos villes et de nos maisons, poursuivre l’ennemi dans cette même saison où les bêtes sauvages se cachent au fond de leurs retraites, et où partout le droit des gens fait trêve aux combats : ce sont là de grandes choses ; qui le nie ? mais elles ont pour mobile la plus magnifique des récompenses, l’espoir de vivre éternellement dans la mémoire des hommes. De tels efforts ne surprennent point dans celui qui aspire à l’immortalité.

Voici la gloire que j’admire en César, gloire que ne célèbrent ni les vers des poëtes ni les monuments de l’histoire, mais qui se pèse dans la balance du sage : un chevalier romain, son ancien ami, attaché, dévoué, affectionné à sa personne, avait été ruiné, non par les excès, non par les honteuses dépenses et les pertes où conduisent les passions, mais par une spéculation ayant pour but d’augmenter son patrimoine : César l’a retenu dans sa chute, il n’a pas souf-